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jeudi 16 février 2017

Drake, le retour

Nous voilà à 200 miles au Sud du Horn.
Nous sommes partis il y a 3 jours de l'archipel de Melchior. Initialement, nous avions l'intention de faire une escale sur l'ile volcanique de Deception, mais une fois de plus, celle-ci porte bien son nom car un vent soutenu de nord-est, pile dans le nez, nous fit changer d'avis. Nous avons alors fait cap au Nord pour rentrer.
     L'équipage fut légèrement pris de cours par ces premières heures houleuses et ce fut une réelle hécatombe à bord de Paradise. La mer grossissait au fur à et mesure que nous nous éloignions de la côte et malmenait les estomacs. 12H00 après notre départ, il n'y avait, à part Arnaud et moi, aucun rescapé du mal de mer... Les signes de l'infernal Drake étaient là : des seaux amarrés aux bannettes, le carré vidé de toute âme et les quarts qui se maintenaient à leur strict minimum: nous deux, Paul-Marie et son fils Arnaud. Les montagnards Suisses ont assuré leur mission d'équipiers et nous ont aidé aux manœuvres et à la veille lors des premières 48H00. Puis la mer s'est petit à petit calmée, les 5 à 6 mètres de cette houle déchainée se sont tassés et une vie normale a repris à bord.Avec le retour du soleil,  nos 6 autres équipiers sont timidement sortis de leur torpeur, avec l'estomac creux, contents de pouvoir enfin le remplir à nouveau...
       Ainsi va la vie, bien souvent, sous ces latitudes. L'Antarctique se mérite et se gagne, certaines fois, plus difficilement que d'autres.
       Des cadeaux, cette  nature puissante nous en a offert lors de cette seconde superbe croisière.
Avec un début de séjour très ensoleillé et des températures parfois même chaudes, le "jeune" Arnaud ne put résister à gouter l'eau qui s'est révélée, sans surprise, glacée...
En cette fin de saison, la faune était bien présente. Nous avons vu les bébés manchots fêter leur premier mois, ils avaient littéralement triplé de volume. Affamés ils harcèlent leurs parents, pour une triple ration de bouillie de krill (cette crevette qui est à la base de la chaine alimentaire en Antarctique). Nous avons vu aussi beaucoup de phoques de Wedell, des phoques crabiers, des léopards de mer ainsi que des éléphants de mer à Palmer, des otaries et énormément de baleines, de loin comme de près...e même de très près : nous avons eu le droit à un spectacle grandiose, inoubliable : après avoir quitté le mouillage de Cuverville, à la sortie de la baie bien protégée, nous avons vu au loin des baleines semblant faire le sieste ; nous nous sommes approchés tout doucement et alors que nous nous préparions à les laisser tranquilles, elles sont venues nous voir, sereines, observant notre voilier à l'arrêt; La mère et son petit étaient réellement curieuses de notre grande coque noire et sont venues la toucher du bout de leur museau. Nous n'en pouvions plus de bonheur de les voir s'approcher tellement près qu'elles sont arrivées à quelques centimètre de ma main alors que j'étais allongée sur le pont. De ces baleines à bosse  émanent une force et une fascination difficile à décrire mais lorsque nous en sommes proches, le temps s'arrête et nous sommes subjugués par leur grâce.
     Merci encore, belle Antarctique, de nous offrir ta beauté. C'est fini pour cette année mais nous reviendrons avec plaisir l'année prochaine, pour de nouvelles découvertes et des moments forts.

Morgane et tout l'équipage de Paradise

samedi 11 février 2017

Quand la glace nous mène en bateau

     Il est 1H30, il fait nuit, mais pas une nuit obscure, une nuit entre chien et loup et elle ne durera que quelques heures. Ce soir la lune ne se dévoilera pas, elle restera cachée par de gros nuages chargés de vent et de pluie glacée. L’atmosphère est oppressante. Tout le monde dort, plus ou moins bien car de gros blocs de glace à la dérive frappent la coque, ce qui émet un son grave ; les plus petits morceaux qui nous encerclent en masse résonnent comme si on tapait sur la coque au marteau... drôle d'ambiance... 
      Je suis seule dans le cockpit et je veille sur un iceberg qui s'est bloqué quelque part sur nos 90 mètres de chaîne. Nous avons passé 4H00 à nous demander quel serait son chemin et si on allait pouvoir dormir tranquillement, mais là c'est sûr, il nous fonce dessus à la vitesse de l'escargot... Ses quelques centaines de tonnes pourraient décrocher notre ancre et nous serions bien démunis, sans pouvoir manœuvrer, entre lui et les cailloux qui ne sont pas loin derrière. Pour couronner le tout, le vent forcit et il se met à pleuvoir. Il faut que j'aille réveiller Arnaud, il faut manœuvrer vite car le pachyderme n'est plus qu'à quelques mètres devant l'étrave. 
     3H30 : ça y est, nous sommes enfin en sécurité. Désormais aucun glaçon ne peut nous déranger. Nous avons mis du temps à nous libérer de cet intrus et à trouver l'endroit parfait où “poser la pioche”. C'est la réalité de l'Antarctique, pleine de contrastes. Tout paraît si simple quand il fait beau mais dès que les conditions se corsent, il faut réagir vite et bien. 
      
      Nous sommes partis d’Ushuaïa le 29 janvier. La traversée du Drake fut rapide car nous avons eu un vent de nord soutenu pendant les trois jours de notre traversée. Notre croisière nous a tout d'abord menés à l'ile Nansen, où nous avons pu nous mettre à couple de l'épave du Gouvernor. 
      Ensuite nous sommes allés  à Paradise baie ;  là, nous nous sommes arrêtés à la base Chilienne de Videla et la nuit suivante dans la petite baie de Skontorp. 
     Puis nous sommes allés à Port Lockroy, la base anglaise, puis à Palmer la base américaine, où nous avons vécu comme un petit choc de retour à la civilisation, tellement cet endroit semble développé. Au premier abords les bâtiments ne payent pas de mine, mais en faite, ils sont impressionnants de par leur aménagement confortable et moderne. Bob, le chef, nous en a fait visiter quelques uns dont la salle de sport et la salle de cinéma. Malheureusement, nous n'avons pas été invités à visiter les infrastructures scientifiques... Ensuite nous avons eu le doit à une collation: “Américan cookies and coffee”. Plus tard nous avons pu nous promener sur une les petites iles de l'archipel de Palmer et avons vu des manchots Adélie, des éléphants de mer et des otaries. 
        Après cette belle escale, nous sommes revenus à Port Lockroy afin de nous mettre à l'abri et attendre qu'une dépression et ses vents forts passent. Nous n'iront pas plus au Sud car les conditions ne sont pas favorables et le vent du nord des dernières 24 heures a sûrement repoussé la glace vers le Sud et bouché l'étroit canal Lemaire où nous voulions passer. 
      A plusieurs reprises lors de nos escales, Paul-Marie, notre guide Suisse, a emmené un petit groupe se balader sur les glaciers. Munis de crampons, de cordes, de piolets et autres accessoires de montagne, ils sont allés défier les pentes et les crevasses et ont pu profiter de panoramas spectaculaires, tout cela dans des conditions parfaites, avec des températures relativement élévées ( au moins 20°C), sous un soleil radieux. 
    Actuellement nous faisons cap au Nord et commençons à penser au retour. 
Les fichiers météo nous indiquent que la bonne fenêtre pour traverser le Drake s'ouvrira mardi prochain. Il nous reste donc encore quelques jours pour profiter de l'Antarctique. Ce soir nous serons à Cuverville, au pied d'une grande colonie de manchots Papou. Ensuite nous avons prévu d'aller à Melchior puis à l'ile de Déception. 

A bientôt 

 Morgane et l'équipage de Paradise.